LIMINAIRE CSI 117 : VERS UNE CULTURE PARTENARIALE EN ÉGLISE

Dans l'Église comme dans la société, il est souvent question de partenariat. Dans de nombreux diocèses et instituts religieux, s'instaurent des relations de collaboration et d'affiliation qui tendent à évoluer vers des relations partenariales. En est-on pour autant rendu à édifier une culture partenariale, particulièrement en Église ? Devant la nouveauté de la question, les auteurs et auteures de ce numéro des Cahiers nous offrent quelques jalons de réflexion sur le concept de culture partenariale, ses fondements ecclésiologiques, théologiques et bibliques, l'examen de la pratique, son mouvement de progression, des stratégies de formation et l'exercice du discernement spirituel dans la mise en œuvre d'une telle culture.

Mais soyons réalistes : le partenariat n'est pas un acquis dans l'Église. Rien ne serait plus néfaste qu'une idéologie en Église qui consisterait à coiffer tout type de collaboration du titre de partenariat. Ceci ne ferait qu'accentuer une confusion qui va à l'encontre d'une culture partenariale et ainsi alimenter le statu quo. Le partenariat existe dans le cadre de relations appropriées. Aussi, la dynamique d'émergence d'une culture partenariale demande-t-elle de rendre la terre apte à produire ce qu'elle peut produire, de nourrir le feu ensemble… Cette mise en œuvre est complexe et prend du temps. Il s'agit moins d'établir des structures que de mettre en place des processus de connaissance et d'apprentissage pour penser différemment, instaurer de nouveaux rapports et agir en interdépendance (Denis R. Viel).

Favoriser la culture partenariale en Église, c'est favoriser l'humanisation, c'est enraciner son désir dans l'amour de ses frères et de ses sœurs. C'est confesser le déjà-là partenarial du projet divin de création (Marc Girard), c'est découvrir au cœur de la vie trinitaire, là où aucune personne ne peut exister sans les autres, le modèle de toute relation partenariale (Alice Gombault). C'est reconnaître que, dans l'Église, c'est la mission évangélique qui rend partenaires chrétiens et chrétiennes. (Micheline Laguë). C'est apprendre à « faire corps » autrement entre personnes baptisées se situant, de par leur vocation et leur mission, dans des états de vie, des ministères, des rôles et des fonctions diversifiées.

Ce défi d'une culture partenariale se manifeste à travers les expériences vécues tant dans l'exercice des ministères ecclésiaux que dans l'établissement de relations d'affiliation entre laïques et religieux, religieuses, rejoint par un même charisme. Souvent exprimée en terme d'association, de collaboration, d'engagement, de coresponsabilité, de partenariat (Rolande Parrot), la relation partenariale en Église se forge dans l'être ensemble pour la mission. Denis Robitaille parle de rencontre et de dialogue avec la différence. Monseigneur Pierre Morissette insiste sur un « faire Église ensemble » où tous, de la personne bénévole jusqu'à l'évêque, sont conscients d'être au service d'une mission reçue. Hubert Mposo Makwanda rapporte quant à lui l'exemple de collaboration entre jésuites et non-jésuites de la Province du Canada français.

Cette évolution suppose un effort de lucidité, un apprentissage et une formation continue. L'équipe de René Guay souligne la nécessité d'un corps apprenant, ouvert à l'acquisition de compétences partenariales. Le groupe du Centre de spiritualité Manrèse rappelle pour sa part quelques éléments d'un corps discernant dans lequel les partenaires sont plus enclins à « sauver la proposition de l'autre, qu'à la condamner » (ES 22) et où la pratique du parler-ensemble s'incarne dans un marcher-ensemble.

Avec tous les baptisés invités à « faire corps » dans le développement d'un nouveau modèle des rapports ecclésiaux, le réseau Femmes et ministères se sent interpellé dans ce processus de transformation culturelle. Aussi, est-ce à ces femmes que nous devons l'objet de cette thématique. Nous voulons leur exprimer toute notre reconnaissance pour nous avoir proposé ce sujet. Merci à madame Rolande Parrot et à l'équipe de Femmes et ministères qui ont travaillé à la conception et à la réalisation du présent Cahier. Leur contribution relève de leur désir d'un « faire Église » où se construit une « humanité nouvelle toujours plus à l'image-et-similitude d'un Dieu qui s'est voulu symboliquement plural » (Marc Girard).

Gaétane Guillemette
Directrice des Cahiers de spiritualité ignatienne